27 septembre 2014

Janet Werner et ses inspirations.

Artiste canadienne établie à Montréal depuis déjà plusieurs années, Janet Werner (1959-) a récemment exposé à la Galerie de l’UQÀM (31 octobre au 14 décembre 2013) plusieurs portraits qui, après un examen approfondi, ne sont pas peints pour commémorer un individu. Werner contrevient ainsi au rôle traditionnel du portrait en insufflant à ses œuvres une dimension ironique de la représentation et dans lesquels elle explore les thématiques de la subjectivité et du désir. Opposant la beauté au grotesque, Werner manipule, massacre et transforme délibérément les corps, imposant ainsi au regard une étrangeté déconcertante qui combine photographie de mode et référents à l’histoire de l’art, et qui incite à la réflexion sur la nature fictive de ces portraits ainsi que sur l’image de la femme dans la société.

Les magazines de mode

À gauche :
Janet Werner (1959-)
Bunnyhead
2009
Source : Parisian Laundry

À droite :
Vogue, Février 1965
Source : Google Images

Impossible de ne pas remarquer une filiation entre Bunnyhead (2009) et une photographie tirée du Vogue de février 1965. Werner ne présentant jamais ses références photographiques, il nous est impossible de savoir si cette image était connue de l’artiste lorsqu’elle a peint Bunnyhead. Pourtant, la position du personnage ainsi que son visage masqué par une tête de lapin est une telle coïncidence qu’il nous est impossible de la passer sous silence. Bien que se basant sur des images préexistantes, Werner, en en modifiant la forme, tend à affirmer l’authenticité de sa propre création.
 
Il est par ailleurs intéressant de mentionner que la physiognomonie antique, soit la « science qui s’intéresse aux manifestations physiques des dispositions de l’âme et aux caractères acquis venant modifier les signes conjecturés d’après la physionomie[1] », comparait la physionomie des animaux à celle des hommes afin de déterminer les attitudes de ces derniers. En remplaçant le visage de son modèle par celui d’un lapin, Werner cherche peut-être à lui attribuer des comportements propres à cet animal, effaçant du même coup son appartenance à l’humanité tout en soulignant sa qualité d’objet. Il s’en dégage alors une volonté de révéler le phallocentrisme de la société et d’affirmer que les stéréotypes naturalisés sont le résultat d’une construction modelée à travers le regard masculin.

L’histoire de l’art
 
À gauche :
Janet Werner (1959-)

After Goya
2009
Source : Parisian Laundry


À droite :
Francisco Goya y Lucientes (1746-1828)
Duchesse d'Alba
1795

Source : Google Images
 
Il est parfois difficile pour les néophytes de voir les références à l’histoire de l’art. Néanmoins, il arrive que les artistes laissent quelques indices permettant d’associer le référent historique à leurs créations. After Goya (2009) en est un bon exemple, car le titre en lui-même identifie clairement que le portrait s’inspire d’une œuvre de Francisco Goya y Lucientes (1746-1828), soit la Duchesse d’Alba (1795). Bear (2010) est une œuvre intéressante puisque, comme Bunnyhead, il est impossible de le lier à une image particulière. Le spectateur est donc obligé de se référer à son propre bagage visuel. Pour ma part, en voyant comment le personnage de Werner était vêtu, j’ai immédiatement songé au costume militaire britannique. Le Lieutenant John Pollock (c.1807-1813) peint par William Beechey montre clairement cette filiation.
 
À gauche :
Janet Werner (1959-)
Bear
2010

Source : Parisian Laundry

À droite :
William Beechey (1753-1813)
Lieutenant John Pollock (John Pocock)
c.1807-1813
Source : Indianapolis Museum of Art
 
 

[1] Laurent Baridon et Martial Guédron, Corps et arts. Physionomies et physiologies dans les arts visuels, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 17.

27 août 2014

Un exil salutaire.

James Wilson Morrice (1865-1924) et John Lyman (1886-1967) sont des figures emblématiques de l’art moderne canadien. Le carcan de l’art académique, puis la montée du nationalisme en peinture qui s’incarne dans le Groupe des Sept en 1920, pousse les deux hommes à quitter Montréal pour Paris. La capitale française est d’ailleurs plus ouverte aux innovations des avant-gardes, ce qui la rend plus attrayante pour la jeune génération d’artistes canadiens. En effet, alors que Morrice arrive à Parie en 1890, il y a déjà seize and que Louis Leroy, dans un commentaire empreint de sarcasme, discrédite le travail de Claude Monet (1840-1926) en regard d’Impression, soleil levant (1872).

Claude Monet (1840-1926)
Impression, soleil levant
1872

Depuis, l’impressionnisme est reconnu officiellement par l’État français, et son audace s’est vue remplacée par celle des néo-impressionnistes que sont Georges Seurat (1859-1891) et Paul Signac (1863-1935), et par celle des postimpressionnistes comme Paul Cézanne (1839-1906) et Paul Gauguin (1848-1903). Mentionnons que le fauvisme, le cubisme et l’abstraction bouleversent les principes établis et engendrent de véritables révolutions successives. En 1913, Lyman présente ses œuvres à Montréal dans le cadre d’une exposition : celles-ci font scandale parce que jugées contaminées par l’enseignement d’Henri Matisse (1869-1954). Bien qu’à l’aube de la Première Guerre mondiale, cette réaction est une preuve flagrante de l’esprit conventionnel qui habite la communauté artistique canadienne, marquant du même coup son isolement des grandes tendances de la modernité.
 
Ce sont les parcours croisés de Morrice, Lyman et Matisse que le Musée national des beaux-arts du Québec  (MNBAQ) propose dans sa plus récente exposition qui se terminera le 7 septembre prochain. Ce projet ambitieux permet d’appréhender le dialogue que ces peintres ont entretenu au tournant du XXe siècle à travers près de 130 œuvres peintes, la plupart étant issues de collections canadiennes.
 
Henri Matisse (1869-1954)
Femme assise, le dos tourné vers la fenêtre
Vers 1922

Source : Google Images

Henri Matisse (1869-1954)
Nu au canapé jaune
1926
Source : Google Images
 
Henri Matisse (1869-1954)
Portrait au visage rose et bleu
1936-1937

Source : Google Images
 
Outre ces trois œuvres, seuls quatre tableaux signés de la main de Matisse sont exposés. S’il est évident que Matisse ait influencé Morrice et Lyman, il est néanmoins dommage que la sélection se résume à ces quelques chefs-d’œuvre, rendant ainsi parfois difficile une filiation stylistique entre les trois artistes, surtout pour les néophytes. Il est possible que l’espace limité et la difficulté d’emprunt des œuvres de Matisse aient joué contre Michèle Grandbois, la commissaire de l’exposition. Heureusement, pour les plus passionnés, le catalogue permet de combler cette lacune. Malgré tout, l’exposition est bien construite, le parcours d’une grande fluidité bien que les nombreux textes puissent rebuter certains visiteurs qui, du reste, pourront certainement se contenter d’observer les tableaux qui leurs sont présentés et qui témoignent de la virtuosité de ses auteurs à capturer la lumière.
 
William Notman (1826-1891)
James Wilson Morrice
1900
Source : Musée McCord
 
James Wilson Morrice est issu d’une bourgeoisie anglo-montréalaise, et quitte sa ville natale lorsqu’il atteint sa vingt-cinquième année. Homme de peu de mots, il évite les mondanités parisiennes et laisse peu de trace écrite de la vision qu’il a de son art. C’est à travers ses œuvres ainsi qu’en lisant les nombreux articles que l’on publie de son vivant (en 1905, quelques 122 articles à son sujet paraissent dans les presses française, britannique, belges et américaines) ainsi que l’ouvrage que John Lyman lui consacre en 1945 que l’on en apprend davantage sur l’homme et sur l’artiste.
 
James Wilson Morrice (1865-1924)
Blanche Baume et Blanche

1911-1912

James Wilson Morrice (1865-1924)
Femme au peignoir rouge
Vers 1911
James Wilson Morrice (1865-1924)
L'étang aux Antilles
Vers 1920-1922



 
James Wilson Morrice (1865-1924)
Olympia
Vers 1912
 
Olympia (vers 1912) est une œuvre de moyen format qui présente une danseuse revêtue d’un costume siamois. Le Siam (ancienne nomination de la Thaïlande) est, au même titre que la Chine et le Japon, des pays fascinants de par leur exotisme et leurs traditions si diamétralement opposées à celles de l’Occident. Il n’est donc pas surprenant que Morrice en dépeigne les spécificités dans ce portrait en pied.
 
Danseurs siamois
Vers 1890
Source : Google Images
 
Malgré les intentions ethnographiques sous-jacentes à la représentation d’un costume traditionnel, le titre de l’œuvre ainsi que le visage de la portraiturée nous indique clairement qu’il s’agit d’une mise en scène. Sa physionomie se rapproche en effet davantage des Occidentales; le titre fait par ailleurs référence à un surnom populaire des prostituées de la classe élevée de Paris. Cette question, qui n’est pas abordée dans le cadre de l’exposition, est pourtant révélatrice de la société parisienne qui, après près de cinquante ans, est encore marquée de l’audace d’Édouard Manet (1832-1883). Bien que le lien ne soit d’hypothétique, il serait intéressant d’en explorer les possibilités, dans la mesure où Morrice ne devait pas être étranger à l’œuvre de Manet.
 
Édouard Manet (1832-1883)
Olympia

1863
Source : Google Images
 
Contrairement à Morrice, John Lyman s’intègre parfaitement à la société parisienne et exprime ses convictions artistiques tant en français qu’en anglais dans de nombreux écrits, qu’ils soient de nature privée, comme sa correspondance avec son père, ou encore publique.
 
John Lyman (1886-1967)
Autoportrait

1918
 
Lyman, contrairement à Morrice vivra jusqu’à la fin des années 1960, et l’exposition présente une évolution stylistique majeure qui s’est opérée tout au long de sa vie, comme le prouve ces quelques tableaux réalisés entre 1912 et 1962.
 
John Lyman (1886-1967)
À la plage (Saint-Jean-de-Luz)
1929-1930

John Lyman (1886-1967)
Profil de Corinne
1913-1914

John Lyman (1886-1967)
Dalesville
1912

John Lyman (1886-1967)
Le Halage de la barque
1962

John Lyman (1886-1967)
Bain de soleil II
1960
 
Bref, une exposition à voir et à revoir jusqu’au 7 septembre au Musée national des beaux-arts du Québec.
 


Photographies personnelles (sauf mention du contraire).
Il est à noter qu’il est interdit de photographier quelques œuvres de l’exposition, notamment les Matisse, c’est d’ailleurs pour cette raison que les reproductions présentées ici proviennent de Google Images. Recherchez les pictogrammes pour vous assurer de ne pas déroger au règlement.
L’ensemble des informations concernant l’exposition provient du catalogue publié aux Éditions de l’homme (ISBN 978-2-7619-4100-6).


24 août 2014

20 août 2014

L'art et la mode : Paul Gauguin et Aquilano Rimondi

L’art et la mode sont deux univers qui me passionnent, et lorsque ceux-ci se rencontrent, je jubile intérieurement. Le défilé printemps/été 2014 d’Aquilano Rimondi est, comme je l’ai précédemment mentionné, ma découverte coup de cœur de la saison, notamment en raison de l’utilisation de matières riches et colorées en plus du raffinement et de la sophistication des ensembles. En faisant défiler les images les unes après les autres, je suis de plus en plus séduite par cette collection qui mélange de manière inusitée les imprimés. Je tombe sur quatre ensembles qui, plus que tous les autres, retiennent mon attention.
 
Source : vogue.fr

Source : vogue.fr

Source : vogue.fr

Source : vogue.fr
 
Après un examen attentif de ceux-ci, je me rends compte que les images qui ornent ces vêtements sont des tableaux du célèbre Paul Gauguin (1848-1903), figure majeure de la peinture française de la seconde moitié du XIXe siècle. Cherchant son inspiration dans les atmosphères primitives de la Bretagne de et Tahiti, Gauguin embrasse un symbolisme parfois mystique, l’éloignant ainsi du cercle impressionniste dans lequel il a été introduit par Camille Pissarro (1830-1903). De par cette approche qui néglige le naturalisme pictural au profit d’une vision plus synthétique et naïve de la nature, Gauguin devient rapidement une source d’inspiration pour une plus jeune génération d’artistes, notamment Pierre Bonnard (1867-1947) et Maurice Denis (1870-1940), deux peintres que l’on associe aux Nabis.

À la fin de sa vie, Gauguin décide de quitter Paris pour s’installer à Tahiti. Plusieurs œuvres nous sont parvenues de cette époque : les couleurs vibrantes et l’exotisme des paysages côtoient des figures aborigènes majoritairement féminines. Parmi les plus connues, mentionnons Ia Orana Maria (1891), Le Sorcier d’Hiva Oa (1902) et The Encounter (1892). Ces trois tableaux sont intégrés aux vêtements de Rimondi en tant qu’œuvre unique. On remarque quelques différences dans la position des personnages ainsi qu’une pigmentation différente des œuvres originales, attestant ainsi une interprétation toute personnelle du travail de Gauguin.

Paul Gauguin (1848-1903)
Ia Orana Maria
1981


Paul Gauguin (1848-1903)
Le Sorcier d'Hiva Oa
1902
Paul Gauguin (1848-1903)
The Encounter
1892



29 juillet 2014

La jupe midi : une manière différente d'aborder l'été.

Parce que toutes les filles n’apprécient pas d’exhiber leurs cuisses en public, la jupe midi est une pièce essentielle pour la saison estivale. Cette jupe reste difficile à porter pour plusieurs, notamment à cause de sa longueur.
 
Apparaissant dans les années 1940, la jupe midi n'a cessé de se renouveler. Bien qu'elle ait traversé les époques, la plus classique interprétation de cette jupe est intrinsèquement liée à Christian Dior et au New Look, un nom attribué par Carmel Snow en raison de la silhouette révolutionnaire des tenues du couturier français. Traditionnellement, la jupe midi devait tomber à la mi-mollet, c'est-à-dire la partie la plus large de la jambe, ce qui, sans surprise, est généralement peu flatteur si le mollet est robuste.

Source : Google Images
 
Source : Google Images

Bien que révélant la féminité de ces dames, le New Look s’est rapidement buté aux efforts de guerre. En effet, durant la Seconde Guerre mondiale, les restrictions militaires obligent les femmes à revêtir des jupes cintrées dont l’ourlet devait se situer à dix-sept pouces du sol dans le but de conserver les matières textiles. La jupe midi de Dior, à une époque appauvrie et fatiguée par la guerre, reste l’apanage des hautes sphères de la société en raison des quantités phénoménales de tissu nécessaires à sa fabrication : pour certaines de ses créations, Dior utilise jusqu’à vingt-trois mètres de tissu !

Le New Look est, deux ans après la fin de la guerre, l’incarnation d’une élégance extravagante qui se fait difficilement accepté par la classe populaire. Certains mouvements féministes américains se sont d’ailleurs dressés contre cette mode parce que trop restrictive. Aux dires de plusieurs, le New Look incarne à lui seul un sentiment de nostalgie qui puise son inspiration dans les tailles corsetées et les hanches rembourrées du siècle précédent, devenant ainsi un obstacle majeur à la lutte pour l’émancipation.

Source : Google Images

Aujourd’hui, la définition de la jupe midi est plus libre et inclus des longueurs entre le genou et la cheville. Plusieurs designers proposent leur interprétation personnelle de ce classique. Alors que chez Michael Kors, les matières sont fluides et légères, on remarque que Christian Dior privilégie un tissu structuré davantage adapté à une jupe plus cintrée. Chez Marchesa, le romantisme est à l’honneur avec une jupe et un cropped top en dentelle blanche. Les couleurs neutres ainsi que les formes classiques de ces jupes midi resteront indémodables.

Source : vogue.fr

Chez Oscar de la Renta, les jupes sont souvent volumineuses et rappellent les années 1950. Les motifs ont par ailleurs une place de choix dans plusieurs des ensembles présentés.


Source : vogue.fr

La jupe midi se décline en de multiples modèles et couleurs pour notre plus grand bonheur. Elle peut être portée partout et en toute occasion : plage ou mariage, bureau ou resto, les possibilités sont infinies. De plus, en privilégiant une matière plutôt qu’une autre, le style change complètement, permettant ainsi à la jupe midi une grande versatilité. Ces trois jupes trouvées chez Asos l’illustrent parfaitement.

Source : asos.com

Enfin, quelques modèles supplémentaires :

1. Ruche
2. Debenhams
3. Asos
4. Chic Wish
5. Saloni


1. Topshop
2. River Island
3. Asos
4. Topshop
5. The Outnet

1. DSQUARED2
2. House of Fraser
3. River Island
4. Harvey Nichols
5. Forever New

1. Zara
2. Zara
3. Topshop
4. Mango
5. Calla