Artiste
canadienne établie à Montréal depuis déjà plusieurs années, Janet Werner (1959-)
a récemment exposé à la Galerie de l’UQÀM (31 octobre au 14 décembre 2013) plusieurs
portraits qui, après un examen approfondi, ne sont pas peints pour commémorer
un individu. Werner contrevient ainsi au rôle traditionnel du portrait en
insufflant à ses œuvres une dimension ironique de la représentation et dans
lesquels elle explore les thématiques de la subjectivité et du désir. Opposant
la beauté au grotesque, Werner manipule, massacre et transforme délibérément
les corps, imposant ainsi au regard une étrangeté déconcertante qui combine
photographie de mode et référents à l’histoire de l’art, et qui incite à la
réflexion sur la nature fictive de ces portraits ainsi que sur l’image de la
femme dans la société.
Les magazines de mode
À gauche : Janet Werner (1959-) Bunnyhead 2009 Source : Parisian Laundry À droite : Vogue, Février 1965 Source : Google Images |
Impossible
de ne pas remarquer une filiation entre Bunnyhead
(2009) et une photographie tirée du Vogue de février 1965. Werner ne présentant
jamais ses références photographiques, il nous est impossible de savoir si
cette image était connue de l’artiste lorsqu’elle a peint Bunnyhead. Pourtant, la position du personnage ainsi que son visage
masqué par une tête de lapin est une telle coïncidence qu’il nous est
impossible de la passer sous silence. Bien que se basant sur des images
préexistantes, Werner, en en modifiant la forme, tend à affirmer l’authenticité
de sa propre création.
L’histoire de l’art
À gauche : Janet Werner (1959-) After Goya 2009 Source : Parisian Laundry À droite : Francisco Goya y Lucientes (1746-1828) Duchesse d'Alba 1795 Source : Google Images |
Il
est parfois difficile pour les néophytes de voir les références à l’histoire de
l’art. Néanmoins, il arrive que les artistes laissent quelques indices
permettant d’associer le référent historique à leurs créations. After Goya (2009) en est un bon exemple,
car le titre en lui-même identifie clairement que le portrait s’inspire d’une
œuvre de Francisco Goya y Lucientes (1746-1828), soit la Duchesse d’Alba (1795). Bear
(2010) est une œuvre intéressante puisque, comme Bunnyhead, il est impossible de le lier à une image particulière.
Le spectateur est donc obligé de se référer à son propre bagage visuel. Pour ma
part, en voyant comment le personnage de Werner était vêtu, j’ai immédiatement
songé au costume militaire britannique. Le Lieutenant
John Pollock (c.1807-1813) peint par William Beechey montre clairement
cette filiation.
À gauche : Janet Werner (1959-) Bear 2010 Source : Parisian Laundry À droite : William Beechey (1753-1813) Lieutenant John Pollock (John Pocock) c.1807-1813 Source : Indianapolis Museum of Art |
[1] Laurent Baridon et Martial Guédron, Corps
et arts. Physionomies et physiologies dans les arts visuels, Paris,
L’Harmattan, 1999, p. 17.
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