J’ai envie de vous faire part d’un petit accroc entre moi-même et l’un des artisans du Salon des Métiers d’Art du Québec. Par respect pour lui et aussi parce que je dois faire preuve d’un minimum de professionnalisme en tant que bloggeuse, je ne divulguerai ni sa description physique — faute d’avoir un nom —, ni le numéro de son kiosque. Ce n’est, après tout, qu’une peccadille, une simple phrase que l’on pourrait considérer anodine venant de n’importe qui. Mais qui ne l’est pas lorsqu’on se trouve à être une cliente et lui un vendeur.
Avec Valérie, nous nous sommes arrêtées à un kiosque où l’artisan en question vendait des bijoux et, comme plusieurs kiosques de ce genre, il proposait aussi des bagues. J’aime beaucoup les bagues et lorsque l’une d’entre elles attire mon regard, je ne peux pas m’empêcher de l’essayer. C’est plus fort que moi. Je les essaie pour voir si elles me plaisent, pour savoir si elles sont de la bonne grandeur, pour avoir un aperçu de ce qu’elles peuvent avoir l’air à mon doigt. Je ne connais pas une fille au monde qui n’essaie pas ses bagues avant de les acheter. J’essaie les bagues qui me plaisent comme j’essaie les vêtements qui me plaisent. Je les regarde sous tous les angles, observe les détails, la finition et enfin, je peux prendre la décision de me procurer l’article en question ou de laisser tomber. Du shopping averti.
Pendant que j’observe les dites bagues et que je les essaie, l’artisan me demande si je veux une taille en particulier et me dit qu’il en possède plusieurs derrière le comptoir. Je le remercie avec le sourire et ajoute que je ne fais que regarder. Et, je vous le jure, il m’a répondu et je cite : « On regarde avec ses yeux. »
Stop. Temps mort. Ai-je bien entendu ? Je me repasse la phrase en tête deux, puis trois fois dans l’espoir d’avoir mal compris. Non. Aucun doute possible, il ne peut pas avoir dit autre chose. Il m’a effectivement balancé cette phrase sur un ton brusque et amer. Cette phrase que je n’arrive toujours pas à digérer.
Tout le monde se fait dire cette phrase. Lorsqu’on est jeune et insouciant, lorsqu’on est curieux et que l’on veut toucher à tout, lorsqu’on a cinq ans. Disons qu’entre zéro et dix ans, les enfants sont des principaux concernés par cette phrase généralement formulée par les parents des dits gamins. Ma mère a une sorte de droit sur cette phrase. Je pense que toutes les mères du monde possèdent des droits d’auteur là-dessus. Peut-être que c’est un droit qu’elles acquièrent lorsqu’elles deviennent mères, une sorte d’héritage matriarcale qui se transmet de génération en génération par le biais de l’accouchement. Il n’y a donc qu’une seule personne au monde qui possède ce droit sur moi, et c’est ma mère. Ah oui. Et mon père. Parce qu’ils doivent coordonner leurs interventions pour établir un équilibre psychologique à l’enfant.
Et c’est donc avec mes yeux que je regardé l’artisan. J’espère qu’il a senti mon indignation pendant cette petite seconde où j’ai fixé mon regard dans le sien. Parce qu’indignation il y a. Quel vendeur dirait ça à ses clients potentiels ? Qui peut ainsi se permettre de perdre une vente et ainsi de perdre des clients ? Parce que qui voudra se rendre à ce kiosque après avoir entendu ce genre de phrase ? Pas moi.
Je pense que cet homme se prive de la publicité la plus efficace du domaine artisanal : la satisfaction du client. Un client satisfait parlera toujours en bien de vos produits, il vendra ses qualités et proposera à ses amis, à sa famille, à ses collègues d’aller faire un tour au Salon des Métiers d’Art, mais surtout, de ne pas oublier de visiter le kiosque où il a fait la trouvaille du siècle. Un client qui n’est pas satisfait du service se rappellera toujours de cette fois où il a été mal servi et il ne pourra ni décrire le kiosque et encore moins les produits offerts parce que ce client aura simplement en tête la phrase qui aura fermé toute intention d’achat.
Bien dit ma belle! ^^
RépondreSupprimerJe l'avais tellement sur le coeur ! Ah, ça fait du bien.
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